Dans la petite salle, j’attendais mon analyste.
Je pensais à je ne sais quoi, quand la porte d’entrée s’ouvrit. Je vis entrer une « entité ».
C’était la première fois que je la voyais.
Une femme ?
Vêtue de gris, voûtée, sans age, le regard ailleurs, absente…
Une ombre ?
« Bonjour » lui dis je. Elle ne répondit pas. Lentement, elle prit place devant moi, les yeux dans le vide, prostrée.
Durant des années, j’en avais croisé des personnages, dans ces antichambres des « accidentés de la vie », qui souvent me racontaient leur misère… Et on sympathisait parfois, mais là… !
Mon analyste apparut, me salua et fit entrer cette patiente…
Je ne pus m’empêcher de penser « celle-la, si elle s’en sort ! »
Et longtemps, je l’ai vue, nos horaires correspondaient à peu près.
Toujours le même « cérémonial ».
A part, de temps en temps, un regard furtif vers moi, rien de nouveau, dans son attitude !
Elle me semblait ailleurs, comme enfermée en elle-même.
Je pensais qu’elle s’était coupée du monde comme pour se protéger.
Mais de quoi ?
Un jour, répondant à mon bonjour, elle balbutia un timide « b’jour » et me regarda.
Et c’était la première fois.
Un regard timide, rapide, qui me surprit.
Le temps passait.
Son attitude changeait.
Maintenant, elle compulsait les revues posées sur le guéridon.
Elle semblait plus légère, comme si un poids disparaissait, doucement, imperceptiblement …
Un après midi d’été, la porte était ouverte.
Elle entra et me sourit.
Elle s’assit.
Elle me regarda.
Et pour la première fois, je remarquai son regard
Ces yeux étaient bleus et son visage… la tête droite, maquillée et sa coiffure, jeune, à la mode, j’en restai coi !
Et je notais que quelque chose, décidément, s’était opérée en elle. Une métamorphose… ou une « re » naissance ? Chrysalide devenue papillon !
Etait-ce la même créature que j’avais vue entrer des années auparavant ?
Bien que rompu aux « théories » de la psychanalyse et au « divan », je ne croyais quand même pas au miracle !
Elle me gratifia d’un « bonjour » sans retenue.
- « Il fait beau, n’est ce pas ! Le docteur D… est-il là ? »
- « Oui » répondis-je.
- « Vous le connaissez ? »
- « Bien sûr, il fut mon analyste, jadis »
- « Vous êtes psychanalyste ? »
Je souris et dis : « Comme vous avez changé, depuis ce jour où je vous ai vue, pour la première fois ! ».
Elle me répondit : « J’ai terminé mon analyse. Je vais beaucoup mieux. Je pense me marier avec un homme que j’aime et fonder un foyer, avoir des enfants... »
La porte s’ouvrit. Nous nous saluâmes. Elle entra dans le cabinet du docteur D..
Je ne l’ai jamais revue !
Qu’êtes vous devenue, chère inconnue ?
Alors la cure analytique, « une foutaise » ?
Au Docteur A. D…, neuropsychiatre, psychologue, psychanalyste, …
A Madame N. B…, psychanalyste de l’Institut
A Jacques LACAN
Où serais-je sans vous … ?
Et à vous tous qui me lisez.
« Avec des mots, on peut rendre ses semblables heureux ou les pousser au désespoir »S. FREUD
Sigmund